Alors que les archives des communes constituent, au sens de la loi, un patrimoine dont la préservation est obligatoire, le manque d’intérêt que suscitent parfois ces pans de l’identité haut-marnaise et campagnarde pose question.
C’est un paradoxe local particulièrement tenace : l’attachement à l’identité des villages et au respect de leur passé est de tous les discours politiques, du bistrot à la mairie. Mais concrètement, les dernières preuves de l’histoire méconnue de nos contrées sont trop souvent traitées tels des rebuts. En voici un exemple édifiant à Arnoncourt-sur-Apance.
Des documents historiques abandonnés dans un bâtiment municipal délabré
Nous venons de découvrir que des archives communales très anciennes, dont l’existence était notoirement connue, croupissaient jusqu’à aujourd’hui dans un bâtiment menaçant ruine : l’ancienne école publique d’Arnoncourt-sur-Apance, devenue mairie annexe en 1973, jusqu’en 2023, année de sa fermeture.
Constatant l’instabilité du bâtiment, l’actuel maire de Larivière-Arnoncourt avait décidé en juillet 2023 de mettre fin aux permanences du maire-délégué et à la tenue du bureau de vote, s’appuyant sur les recommandations d’un expert judiciaire. Charpente et murs porteurs commençaient en effet à s’affaiblir, tandis que la pluie s’infiltrait dans le bâtiment, dont la toiture manque aujourd’hui encore par endroits d’étanchéité.
Pour autant, les archives communales étaient laissées à l’abandon dans ce bâtiment public dégradé et humide, dans des pièces pour le moins inadaptées à leur conservation. En toute connaissance de cause.
Profitant cet été de l’une de ses dernières ouvertures pour vérifier si les éléments patrimoniaux en avaient été dûment retirés, nous découvrions des documents d’intérêt public dans la salle principale du rez-de-chaussée, où se tenait le bureau de vote jusqu’en 2022. Et, à même le sol du grenier, plusieurs cartons d’archives empoussiérés.



L’histoire des villages au coin de la rue
Piochant quelques documents en haut de pile, nous tombons notamment sur des procès verbaux des conseils municipaux de la fin du XIXe siècle, retraçant la gestion diligente des affaires publiques du village.

Ou encore des registres de présence des élèves de l’ancienne école publique durant la seconde guerre mondiale, ou apparaissent les noms d’enfants évacués des Vosges.


C’est sans compter les autres pièces essentielles à la compréhension de la manière dont le territoire a été habité, cultivé et façonné au fil des années, qu’il s’agisse des anciennes matrices cadastrales de la commune ou de ses cartes de remembrement. Des documents qui constituent indéniablement une importante source d’informations urbanistiques et environnementales.
Une obligation légale de versement des archives
Heureusement, la loi est loin d’être muette au sujet de la préservation des archives communales.
Selon l’article L212-11 du Code du patrimoine, les archives produites ou reçues par les communes de moins de 2 000 habitants doivent obligatoirement être déposées au service départemental d’archives compétent à l’expiration d’un délai de cinquante ans.
Tel est évidemment le cas de certains des documents dont nous avons découvert la présence à Arnoncourt-sur-Apance.
Idem si une commune ne parvient pas à conserver des archives inutilisées de moins de 50 ans dans un bâtiment salubre. Selon l’article L212-13 du Code du patrimoine, si les conditions de conservation des documents mettent ces derniers en péril, ils doivent rejoindre les archives départementales. (Les cartes du remembrement d’Arnoncourt-sur-Apance éditées en 1978 sont par exemple concernées.)
Le législateur sanctionne sévèrement les propriétaires d’archives qui les soustrairaient, les détourneraient, les détruiraient ou les laisseraient détruire, fût-ce par simple négligence. Les peines peuvent dans certains cas atteindre 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.
Que faire si vous trouvez dans archives dans un bâtiment public ?
Depuis notre découverte, des habitants de certaines communes voisines évoquent la possible présence, de longue date, de « cartons dans les greniers [des mairies] », dans des conditions de stockage qui seraient plus ou moins précaires.
Dans ce genre de situation, nous vous conseillons bien sûr de contacter sans attendre les archives départementales de la Haute-Marne pour leur en signaler l’existence. Celles-ci disposent d’un service de collecte extrêmement réactif, qui peut venir inventorier et recueillir les archives sur place.
Leurs agents procéderont ainsi préalablement au tri des documents anciens qui ne présentent pas d’intérêt patrimonial particulier et peuvent être légalement détruits, tel le recueil des actes administratifs.
Ces opérations de sauvetage patrimonial obligatoires, qui ne nécessitent aucun travail particulier de la commune ou des élus, sont essentielles pour préserver à la fois la responsabilité juridique du conseil municipal et la mémoire des communes, souvent utile à la gestion contemporaine des affaires publiques.
Contacté à deux reprises en juillet par SOS Pays de l’Apance au sujet de la nécessité de préserver urgemment ces archives puis au sujet de la parution du présent article, le maire de Larivière-Arnoncourt nous indique ce jeudi 8 août (dans le cadre de l’exercice du contradictoire préalable à la parution) qu’il vient de prendre l’attache des archives départementales, qui s’apprêtent à venir collecter les pièces.
“(…) Depuis des décennies ces archives n’ont fait l’objet d’aucun apurement administratif de la part des anciennes municipalités” ajoute-t-il. [Ndlr. Les archives départementales nous indiquent toutefois avoir enregistré un versement d’archives d’Arnoncourt en 1991. A l’époque, cette procédure était obligatoire tous les 100 ans, contre 50 ans aujourd’hui.]
Mise à jour (19 septembre 2024) : Les archives départementales sont venues collecter ce matin les archives communales d’Arnoncourt-sur-Apance. Grand merci à leurs agents !