Exploitée sans autorisation par la commune de Voisey sur une parcelle publique, l’installation d’élimination des déchets située au sud du village devrait être fermée prochainement à la demande de l’autorité préfectorale.
Au conseil municipal du 2 août, le maire a indiqué avoir reçu un courrier de la Préfète de la Haute-Marne demandant la mise en conformité du site sous six mois.
Une visite du sous-préfet de l’arrondissement de Langres est prévue à Voisey, le 22 août 2024, pour siffler la fin de la pollution et envisager des mesures de protection de l’environnement.
Pour l’heure, la perspective d’une dépollution intégrale de cette décharge brute clandestine n’a pas encore été évoquée publiquement, mais demeure une obligation légale.
Un ballet de pollueurs
Alertés par des habitants au printemps 2023, nous avions découvert cette décharge géante et active, sur la parcelle ZD1, qui longe l’un des plus beaux sentiers de randonnée du canton de Bourbonne-les-Bains.
Sur un terre-plein de 4000 m2, nous constations avec stupéfaction un véritable ballet d’habitants et d’entreprises du bâtiment et travaux publics délinquantes, venant constamment déverser leurs déchets en pleine nature pour éviter un trajet de quelques minutes à la déchetterie de Bourbonne ou sur des installations réglementaires de stockage de déchets inertes.
Aujourd’hui encore, plaques d’amiante, robots électro-ménagers, gravats, déchets verts, aérosols, bidons de solvants et de peinture y sont jetés chaque semaine, en toute décontraction. Au risque de polluer l’air, les sols, et les eaux souterraines.
Sur place, le maire de Voisey Jany Garot est parfois aperçu en train de rassembler des déchets et de lancer des feux.
Contacté au téléphone le 16 août 2024, le maire nous confirme qu’il aurait “autorisé les habitants du village à venir y déposer leurs déchets verts” et qu’il “brûle [lui-même] les déchets”.
Une source nous indique néanmoins que l’édile retire lui-même les pneus qu’il y trouve, pour les porter à la déchetterie de Bourbonne.
“Le maire aurait uniquement autorisé les dépôts de déchets verts mais il arrive que les habitants cachent d’autres types de déchets sous les branchages, et que ceux-ci soient brulés par inadvertance”, nous indique-t-elle. “Certains dépôts sont également brûlés par des usagers.” Une situation toutefois susceptible d’engager la responsabilité du maire, celui-ci étant tenu selon la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser ces actes inciviques.
Le volume des dépôts d’ordures par verse est si important qu’un tracteur souvent présent sur les lieux, et à certains moments des tractopelles, sont contraints de les pousser sur les bois publics attenants, y compris en période de nidification des oiseaux. Les arbres y sont ainsi ensevelis progressivement sous les remblais, déchets non inertes et détritus brulés, manifestement dans une optique de stockage définitif des déchets sur le site naturel.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que cette atteinte à l’environnement rappelle sensiblement la récente pollution de l’ancienne carrière de Fresnes-sur-Apance, sous le mandat de Jean-Marie Thiébaut. A ceci près que celle de Voisey n’a pas lieu sur l’un des périmètres de protection du captage communal.
Autre potentielle incidence de la décharge : les fumées issues des brulages de déchets atteignent fréquemment les cultures voisines. En 2023, du maïs était cultivé à une trentaine de mètres du point où les brûlages étaient constatés.
En outre, ces fumées exposent promeneurs et agents publics – aperçus plusieurs fois sur place lors des brûlages – à l’inhalation de composés chimiques auxquels ils ne sont pas censés être exposés fréquemment.
Des promeneurs croisés sur place nous font part de leur dépit et du sentiment d’injustice que leur inspire cette dégradation de leur cadre de vie. Selon eux, les habitants la subiraient depuis plusieurs années “dans une indifférence presque générale”.
Au-delà de l’impact environnemental de l’installation se pose également le coût, pour le contribuable local, de cette pollution inutile. Car l’immense terre-plein toxique, d’une hauteur de plusieurs mètres de détritus empilés, devra tôt ou tard être entièrement évacué aux frais de la commune, étant donné qu’il contient des déchets non inertes susceptibles de polluer la ressource hydrique et les sols sous l’effet du lessivage de la pluie.
La DREAL du Grand Est tire la sonnette d’alarme
Débarquant à Voisey le 26 février 2024 pour réaliser une visite surprise de la décharge, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est constate l’ampleur des nuisances.
Son rapport d’inspection, que nous nous sommes procurés, décrit sans conteste une situation intolérable et contraire à la législation environnementale. En voici un extrait.
“Cette installation fait l’objet d’une dérive non maîtrisée, de nombreux déchets divers étant présents dans l’installation, déposés de façon sauvage par des riverains semble-t-il.
Des traces de brûlage ont également été constatées.
Cette situation créant un risque de pollution des sols et
des eaux souterraines, des suites administratives sont nécessaires pour encadrer le retour à la conformité.
L’inspection des installations classées propose donc à Mme la Préfète de mettre en demeure l’exploitant de déposer un dossier d’autorisation ou d’effectuer une cessation d’activité dans un délai de 6 mois. A titre conservatoire, l’inspection des installations classées propose la suspension d’activité et la mise en place de moyens permettant de restreindre l’accès à cette installation, a minima la pose d’une clôture.”
Nous remercions les services de l’Etat de leur prompte et nécessaire intervention.
Consulter le rapport d’inspection de la DREAL
Le maire de Voisey revendique la prétendue “utilité” de cette décharge et conteste une partie nos allégations
Contacté à plusieurs reprises par SOS Pays de l’Apance pour recueillir son avis sur la situation, dans le cadre de l’exercice du contradictoire préalable à la parution du présent article, le maire Jany Garot a souhaité nous faire part de plusieurs informations.
Contestant fermement l’affirmation selon laquelle il exploiterait une installation d’élimination des déchets, l’édile prétend dans le même temps que cette décharge brute présente une utilité pour la commune. “Les habitants n’ont pas les moyens de se rendre à la déchetterie la plus proche, dit-il. C’est ce que je vais expliquer au sous-préfet de Langres et à la DREAL, le 22 août, quand ils viendront sur place”.
M. Garot nous indique avoir posé une pancarte “dépôt de déchets interdit” sur le site, après avoir reçu la mise en demeure de la préfecture, mais cette interdiction ne serait selon lui pas respectée.
“Il y a de plus en plus de dépôts sauvages de déchets verts dans les fossés depuis qu’on commence à dire que ce site va fermer, donc nous avons besoin d’une solution sur place.” insiste-t-il. Quid du compostage ? “Il ne faut pas se foutre de nous !” s’exclame l’élu.
Le brûlage et l’enfouissement de déchets à Voisey sont-ils vraiment souhaitables ? « Bien sûr ! nous répond le premier magistrat de la commune. Mais il ne faut pas brûler n’importe quoi. On rappelle régulièrement que n’est pas un dépôt d’ordures. […] Ce ne sont pas quelques branches brûlées qui vont changer la face du monde, loin de là ! »
Dans un courriel du 13 août, le maire conteste la véracité d’une partie des allégations figurant dans le présent article, et refuse toutefois (par courriel comme au téléphone) de nous indiquer celles qu’il entendrait démentir. “je vous informe que cet article est mensonge dans la plupart de vos affirmations. dés à présent je contacte mon assureur juridique pour attenté [sic] une plainte en diffamation et autre motif” nous écrit-il, après que nous lui ayons proposé de réagir à nos propos.
Expliquant “manquer de temps” actuellement, il nous proposera le même jour un rendez-vous en mairie à une date postérieure à celle de la présente parution, date dont il avait été informé. Puis nous indiquera au téléphone, après un bref échange, qu’il n’a pour le moment “pas à discuter de quoi que ce soit avec [nous]”.
Le maire de Voisey Jany Garot est conseiller du Syndicat mixte des six rivières (SM6R) et membre actif du Syndicat de collecte des déchets ménagers (SMICTOM) du Sud Haute-Marne, où il siège dans les commissions espaces verts et milieux aquatiques. Deux fonctions centrales dans le domaine de la gestion de l’environnement…
La commune doit agir !
SOS Pays de l’Apance demande à la commune de Voisey de bien vouloir :
- Clore à titre conservatoire le site de la décharge brute, tel que le demandent la DREAL et l’autorité préfectorale ;
- Faire évacuer l’intégralité des déchets constituant le terre-plein, sur toute sa profondeur ;
- Faire évaluer par une entreprise spécialisée l’état des sols et des eaux souterraines ;
- Encourager le compostage à domicile des déchets verts ;
- Envisager éventuellement, si tel n’est pas déjà le cas, la création d’une plateforme de compostage en lien avec les communes voisines et le SDED52 ; cette plateforme ne devra pas être créée en lieu et place du dépotoir, celle-ci étant très proche d’un circuit de randonnée ;
- Exercer pleinement ses pouvoirs de police pour faire sanctionner tout nouveau dépôt de déchets ;
- Prendre toutes les précautions qui s’imposent pour éviter tout éventuel dépôt de déchets non autorisé sur d’autres parcelles, après dépollution de la parcelle ZD1.
Mise à jour (21 août 2024)
Hier ou avant-hier, la commune de Voisey a installé une barrière pour clore l’accès au dépotoir et y a affiché un arrêté préfectoral en date du 2 mai 2024.
Celui-ci impose à la commune :
- de clôturer le site sans délai ;
- d’évaluer sans délai l’impact des prélèvements liés à l’exploitation du site ;
- de mettre en conformité l’installation illégale sous six mois ;
- d’interdire tous types de déchets sur la plateforme actuelle ;
- de cesser tout brûlage à l’air libre ;
- d’afficher l’interdiction de dépôt de déchets aux abords du site ;
- de poser 3 piézomètres, sous un délai de trois mois : un en amont, un en aval, un en entrée de site, pour surveiller la qualité des eaux souterraines deux fois par an pendant une période de quatre ans, sous surveillance de l’hydrogéologue agréé.
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