A Arnoncourt-sur-Apance, l’individu qui avait dégradé la zone humide du Renoy évitera probablement un jugement au tribunal correctionnel. Le cas échéant, il devra toutefois payer une amende, retirer ses remblais et effacer son plan d’eau (ou en réduire la surface).

En fin d’année 2021, SOS Pays de l’Apance avait alerté l’autorité préfectorale de la dégradation d’un site naturel à Arnoncourt-sur-Apance. Un habitant de Larivière-sur-Apance avait procédé à d’importants déversements de remblais sur une parcelle attenante à deux cours d’eau, avant de déposer des déchets sur ce nouveau terre-plein. A quelques mètres de là, il avait cru utile de creuser un immense plan d’eau non déclaré de 1500 m2, également illicite, sur un site qui constituait initialement le lit mineur du ruisseau du Renoy, affluent de l’Apance. 

Ces infractions cumulées avaient eu pour effet d’assécher la zone humide, essentielle à la préservation de la ressource en eau. Mais aussi d’entraver la mise en oeuvre du projet de renaturation du ruisseau du Renoy qui y était initialement prévu à l’échéance 2021.

D’après des échanges entre les services de l’Etat que nous avons pu nous procurer, l’auteur des dégradations et des dépôts de déchets ne sera manifestement pas amené à la barre du tribunal correctionnel. Il bénéficie actuellement d’une très conciliante procédure de “transaction pénale”. Instruite par l’OFB sous l’égide du procureur de la République, celle-ci permet aux contrevenants d’éviter la case tribunal. En cas de validation par le parquet de ladite procédure, l’auteur des faits devra tout de même retirer intégralement les gravats de la zone humide [il en retire dores et déjà d’importants volumes tous les mois], et payer une amende dont le montant n’est pas encore déterminé.

La zone humide remblayée illégalement (Novembre 2021)
La zone humide réapparaît, après le retrait de certains remblais (Mai 2023)

Par ailleurs, les services de l’Etat pressent actuellement le contrevenant à prendre une décision quant à l’avenir du plan d’eau non règlementaire. Il devra être comblé entièrement ou être ramené à une surface inférieure aux seuils de déclaration. Cette remise en état du site est d’autant plus urgente qu’un projet de renaturation du ruisseau du Renoy, prévoyant sa remise en fonctionnement dans son talweg d’origine, doit être mené rapidement à l’endroit où le plan d’eau a été créé.

[Pour consulter nos sources : Compte-rendu de réunion de l’OFB ; note technique du projet de renaturation du ruisseau du Renoy ; cahier des clauses techniques particulières du projet.]

Le syndicat mixte des six rivières, qui récupérera la maîtrise d’ouvrage du projet en Juillet 2023, espérait en début d’année voir les travaux débuter avant l’hiver. [Un problème de financement du projet devrait à notre avis les différer d’au moins un an.]


Justice à deux vitesses

Le recours du parquet à cette alternative aux poursuites pénales, censée être réservée aux infractions de faible gravité, nous semble choquant à plusieurs titres. D’une part, elle donne le sentiment – pour reprendre les termes de la commission des lois du Sénat – que “l’impunité peut être achetée”. D’autre part, que la dégradation d’une zone humide, extrêmement précieuse en période de réchauffement climatique, ne mérite ni d’être inscrite au casier judiciaire d’un individu, ni de susciter l’attention des journalistes lors des audiences publiques. Tenues à distance des pages “faits-divers” de la presse par un défaut d’audiencement dans les tribunaux, certaines atteintes à l’environnement ne semblent mériter aucune publicisation dissuasive. Or, aucune large prise de conscience environnementale ne pourra émerger tant que ces affaires seront réglées dans le huis-clos d’un bureau, bien loin du prétoire.

Le recours (de plus en plus courant) des procureurs à la transaction pénale en matière environnementale ne fera heureusement pas obstacle à d’éventuelles demandes de réparations civiles du préjudice environnemental, à l’initiative de notre association SOS Pays de l’Apance. Ainsi, même en cas de transaction pénale, nous pourrons à l’avenir demander aux juges la condamnation des pollueurs locaux lorsque nous l’estimerons nécessaire. 


Photographie de l’article : la zone humide du Renoy, partiellement déblayée, en juin 2023


Nos articles sur le même sujet :

Stop aux stockage de déchets à Larivière-Arnoncourt“, 27 mars 2023

Arnoncourt-sur-Apance : le ruisseau du Renoy bientôt restauré ?“, 12 novembre 2022